Dimanche 5 mai. Rendez-vous
à la Tour du Pouilly Fumé pour une visite scénographiée du musée consacrée au vignoble. C’est dans le plus grand silence que les artistes, venus nombreux
de bon matin, ont regardé deux films racontant l’histoire de ce vignoble et le travail des vignerons au fil des saisons. Saluons, au passage, l’excellent film réalisé par un canadien qui a planté une caméra, pendant un an, au raz d'un pied de vigne pour capter tout ce qu'il vit et endure. Cerise sur la gâteau : la visite s'est terminée par une descente dans la "Cave aux arômes. Là, sont exposés une dizaine de ballons de verre reconstituant les familles aromatiques des Pouilly Fumé à base de produits naturels. Chacun a mis son nez dedans pour humer les subtils arômes et découvrir l'"arôme mystère". Très instructif et amusant.
Domaine
Seguin. Réticente au départ « par timidité » et ne « sentant pas
les choses », l'artiste
Ariane Metrich est en fait très contente de cette
manifestation qui lui permet de rencontrer des gens « non connaisseurs
d’art » et de découvrir leur goût pour la peinture. Avec la vigneronne
Sophie
Seguin, timide aussi, le contact s’est fait tout naturellement. Elles se sont
tout de suite « accordées pour l’accrochage » dans la salle d’accueil
et de dégustation du chai, transformée pour l’occasion en véritable galerie
d’art. On ne se lasse pas de regarder et de pénétrer dans ces
grands paysages inspirés par la nature, le milieu urbain ou encore des scènes
de guerre. Entre l’abstrait et le figuratif, formes et couleurs envahissent toute
la toile. Ariane Metrich travaille à partir de photos, qu’elle retravaille
numériquement avant d’en obtenir une composition projetée sur une toile prête à
peindre selon son inspiration du moment.
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| Sophie Seguin et Ariane Metrich |
Autre
ambiance dans le chai du
Domaine Châtelain où
Vincent et Brigitte Barberat ont
choisi d’exposer le travail de
Monique Lucas « pour ses couleurs et ses
grands formats. « L’accrochage s’est génialement bien passé »,
commente l’artiste qui avoue « avoir eu des angoisses à l’arrivée devant
l’immensité du chai et l’absence des vignerons » occupés par leur travail.
Finalement, ils ont accroché ensemble les œuvres aux box. Monique Lucas
travaille l’image, essentiellement à partir de photos, qu’elle
« oublie » ensuite pour créer une composition à partir de
« copier-coller de choses infimes » provenant, par strates, de sa
vie, de son ressenti, d’expositions… ». Pour l’artiste et le vigneron, trois
éléments les rapprochent : le travail sur la matière, le temps et la
créativité. « Notre
travail ne débute jamais de la même façon, mais le séquençage des tâches reste
le même. L’on déploie sa créativité pour nuancer le résultat. Celui ci ressort
d’une alchimie entre le quotidien, l’expérience, les connaissances et la
nouvelle aventure que représente la création de l’année. Elaborant des vins
issus d’assemblages de terroirs uniques, le vigneron crée des cuvées »,
remarque Vincent Châtelain qui se considère comme un "artiste
d’œnologie" .
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| Vincent Barberat et Monique Lucas |
Il
est temps maintenant de visiter les chais de la ville de Pouilly-sur-Loire. Au
bord de la route se tient le caveau de dégustation du
Domaine Tinel-Blondelet,
très joliment arrangé par Annick, la vigneronne. Sensibilisée à l’art par des
amis, elle a tout de suite aimé
les natures mortes de
Pascal Pastiau dont l’accrochage s’est fait tout
naturellement en résonnance avec les teintes de la pierre et les objets du
caveau.
Pour
découvrir ensuite l’exposition centrale de l’artiste, il faut descendre dans le
chai et affronter le froid (11°). Françoise, la femme de l’artiste et
Anick
Tinel-Blondelet ont tout prévu : des châles et des pulls sont à disposition
des visiteurs. C’est
un voyage au Népal, effectué en période de mousson, qui a inspiré lé travail de
l’artiste. « Ce
qui m’a frappé, là bas, c’est le paradoxe entre l’abondance de l’eau, boueuse, charriée
par la rivière Kali Kandaki, et le manque d’eau des populations, que l’on voit
sans cesse aller s’approvisionner auprès de points d’eau dans les villages et transporter
seaux et jerricans. »
Pour
faire écho aux peintures, la vigneronne et l’artiste se sont livrés à une
« installation » composée de seaux et bassines utilisés par les vignerons. Pour le plus grand plaisir d'une petite fille qui s’est beaucoup amusée à s’emparer des seaux et à les
déplacer dans toute la salle.
Un
panneau composé de photos du voyage permettait au visiteur de capter les images,
paysages, couleurs, objets qui ont nourri le travail de l’artiste. Une belle
exposition commentée par l’artiste et sa femme.
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| Pascal Pastiau et Anick Tinel-Blondelet |
Domaine
de Bel Air. Entre les couleurs vives des tableaux et les dessins sur papier, je
ne sais pas par où commencer cette exposition harmonieusement accrochée dans le
caveau de dégustation de
Katia Mauroy-Gauliez et de Cédric Mauroy. Jusqu’à ce que mon regard soit attiré
par un œil qui me fixe et que je retrouve quasiment dans toutes les œuvres. L'artiste
Daniela
Jordanova aime confronter les mondes réel, virtuel et imaginaire, représenter
des figures mi-humaine, mi-animale « pour faire apparaître un monde qui
existe au-delà de notre perception. » Ce qui l’intéresse, « c’est
l’homme avec ses angoisses, ses rires, ses espoirs ». Elle aimerait que ses
tableaux aux couleurs vives donnent de l’énergie. Dont acte !
Emballée
par le principe de la FIAAC en Pouilly Fumé, Daniela Jordanova n’en était pas
moins sur la réserve : « mes œuvres vont- elles être mises en valeur,
vont-elles se plaire et s’exprimer dans ces murs ? » De
son côté, Katia Mauroy-Gauliez, partante pour cet événement « qui dynamise
Pouilly-sur-Loire », était aussi réticente : « nous vivons dans
des univers diamétralement opposés, nous vignerons dans le concret, soumis aux
aléas de la nature et du commerce et à un milieu très codifié ; les
artistes dans un univers …artistique ! » Cette confrontation lui a
finalement permis de trouver des points communs : la sensibilité à la couleur
(la robe pour le vigneron), un travail élaboré par étapes ou par cycles, la
recherche d’une matière première, d’une émotion ou d’une idée, l’importance de
trouver des lieux adaptés (coteaux et lieux d’exposition) et enfin la nécessité
pour artistes et vignerons de vendre, et donc de nouer des contacts. Grâce à
cette expérience, Katia Mauroy-Gauliez a tout simplement changé de regard sur
les artistes. Quant à Daniela Jordanova, la FIAAC lui a permis de belles
rencontres avec des vignerons et un autre public, la découverte de l’art de
faire du vin et la région. « Un vrai bonheur ! »
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| Katia Mauroy-Gauliez et Daniela Jordanova |
Quelques
pas plus loin, la porte du
Domaine Cédrick Bardin est ouverte sur une ancienne
cour pavée et un ravissant jardin. C’est là qu
’Eve Domy expose ses œuvres. Le
couple de vignerons et l’artiste ont soigné l’accrochage dans l’espace réservé
au stockage. Eve Domy peint « avec ses tripes » et avec toutes sortes
de matériaux (goudron, pigments, toile de jute, papier de soie,
… « Souvent, c’est le matériau qui me dicte une série de toiles.
J’aime me laisser surprendre par l’accident dont je vais tirer profit. Il reste toujours, sur le support, une trace, une empreinte qui va
m’inspirer. »
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| Cedric et Nelly Bardin et Eve Domy |
Marie-Laure Wallon
Texte et photos
ml.wallon@free.fr
06 82 84 25 11